jeudi 6 avril 2017

Lulo


Lulo d’Hugo Poliart aux Éditions Jourdan


Après Je suis un tueur humaniste de David Zaoui, dans la famille des tueurs à gages originaux, j’appelle Sandra, qui pourrait être la sœur de Babinski.

Sandra, belle jeune femme de vingt-huit ans travaille pour Doran, magnat de l’édition et du divertissement. Sandra a rencontré Doran alors qu’elle était juriste. Le magnat l’avait embauchée pour gérer les litiges concernant les plagiats. Peu à peu, une estime mutuelle, une confiance se sont installées entre eux. Sandra est en quelque sorte la fille que Doran n’a jamais eue. Doran a fait sa fortune dans le domaine de la téléréalité, mais sa vraie passion ce sont les livres. Il reçoit chaque jour de nombreux manuscrits mais n’en publie que très peu. Un jour, irrité par la médiocrité constante des textes qu’il reçoit, Doran lance sur un coup de tête, l’idée de se débarrasser de tous ces plumitifs sans talent qui lui font perdre son temps. La colère retombée, l’idée ne lui semble pas si aberrante. Sandra se saisit de l’occasion, elle aime son métier dans le monde de l’édition, mais s’ennuie derrière son bureau. Elle a besoin d’action.

Sandra devient donc tueuse à gages à la solde de Doran. Elle ne dépend que de lui et gagne bien sa vie. En effet, les mauvais auteurs sont nombreux. Sandra a carte blache pour se débarrasser des écrivaillons. Sa petite touche personnelle est de joindre l’utile à l’agréable. Avant chaque mise à mort, véritable mante religieuse, elle couche avec chacune de ses victimes.

Marc est flic. À trente-sept ans, il est spécialisé dans la traque des tueurs en série. Sa marotte : l’infiltration. Quand il entend parler d’une possible série de meurtres touchant des aspirants écrivains, il se saisit de l’affaire. Il va contacter les maisons d’éditions et leur proposer un manuscrit. La difficulté pour cet amoureux des mots réside en l’écriture du plus mauvais roman possible. Très vite, il est contacté. Le poisson est ferré. Il va rencontrer Sandra. Pourra-t-il la livrer à la justice, ça c’est une autre histoire que vous découvrirez en lisant le livre.

Lulo n’est pas un polar ou un thriller au sens strict du terme. L’intrigue policière du roman est un prétexte pour décrire de l’intérieur le monde de l’édition, ce qu’il est devenu. En réalité, ce roman est une satire passionnante et hilarante du monde littéraire.

« Un jour, il a piqué une vraie colère. Il venait d’ouvrir le troisième roman d’un ancien employé de la Poste qui avait pris une pause-carrière pour « rencontrer son destin d’écrivain ». Son style était « hypertélégraphique », sans doute une déformation professionnelle. Il était allé au bout de ses convictions littéraires et avait fait parvenir à monsieur Doran un roman entièrement rédigé avec des phrases comprenant un seul mot. Cela débutait comme ceci : « Gare. Train. Attente. Nuage. Horaire. Femme. Mouchoir. Cœur. Prendre. Nostalgie. » Six-cents pages ! Monsieur Doran a laissé tomber la brochure au sol et s’est mis à pleurer de colère : « C’est qui lui ? Je vais le tuer celui-là, c’est pas possible ! ». Puis, il a relevé la tête et ses yeux se sont mis à briller, comme s’il était possédé par le démon, mais avec le sourire d’un enfant de sept ans qui convoite un éclair au chocolat dans la vitrine d’un artisan-pâtissier. Il fait toujours cette tête quand une idée géniale lui traverse l’esprit : « Mais au fond oui, pourquoi pas ? »

Passionné par le milieu littéraire, j’ai passé un excellent moment à la lecture de ce livre. Il pose le problème de l’accès à l’édition. Aujourd’hui, tout le monde peut écrire. Certaines « maisons d’édition » se sont spécialisées dans cette activité : permettre à tout un chacun de publier son livre quelle que soit sa qualité, contre espèces sonnantes et trébuchantes. L’auteur dénonce aussi un milieu qui s’est peoplisé. On le voit d’ailleurs dans les salons du livre ou les Nabila et consorts sont ovationnés. Le style de l’auteur est en plein accord avec le titre. : vif, à l’humour acide, à l’image de ce fruit colombien auquel on ajoute un peu de sucre ou de miel pour en atténuer l’acidité.


Laissez-vous tenter ! Vous passerez un très bon moment.

3 commentaires:

  1. J'avais beaucoup apprécié "Superflus". Ton avis me donne très envie de découvrir celui-ci ! :D

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  2. C'est un très beau billet et je note donc ce titre sur ma liste d'envie ! :D
    Des bisous de la Belgique :)
    Cajou

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  3. ton billet est très joli, j'ai beaucoup aimé ce livre, original, et entraînant, mêlant crimes justifiés par la médiocrité des écritures et érotisme. merci à toi et à l'auteur.

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