vendredi 12 février 2016

Mensonges et faux-semblants



Mensonges et faux-semblants de Martine Magnin chez Estelas Editions


 « C’est le moment précieux où le doute envisage de laisser la place au calme.
C’est le moment où mes parts d’ombre et leur nuisance lâchent prise pour accueillir le réconfort d’une paix fragile.
C’est le moment où les fantômes sont contraints d’affronter la lumière du jour.
C’est aussi celui où les bons génies doivent être enfin remerciés. »

Martine Magnin revient dans cet ouvrage sur son enfance. Une enfance basée sur le mensonge et les faux semblants. Pour prendre un peu de recul par rapport à son histoire, pour nous révéler les faits de manière plus froide, elle donne à son personnage le nom de Jenny.
La mère de Jenny est très jeune, trop jeune quand elle vient au monde. Son père saxophoniste de renom est sans arrêt sur les routes en tournée. Très vite les choses se dégradent dans le couple parental qui se sépare. La grand-mère de Jenny, Macha, vient s’installer avec sa fille et sa petite fille. Les deux femmes s’entendent pour nier le père. On en parle pas. L’enfance de Jenny se passe entre ces deux femmes, bercées par les contes de sa grand-mère. Tout se passe relativement bien jusqu’à l’arrivée d’un homme à la maison.

M, c’est ainsi qu’il est nommé s’installe donc à la maison et Macha retourne chez elle. Sous des faux airs de substitut paternel idéal, l’homme se livre à des attouchements sur Jenny. M représente le mâle dans tout ce qu’il a de plus vil, le mal. Jenny étouffe moralement et physiquement. Elle est sujette à de nombreuses crises d’asthme. La solution est toute trouvée on envoie Jenny à la campagne dans des familles d’accueil. Jenny connait des périodes de répit mais elle se sent seule. Chaque fois qu’elle rentre au foyer, M reprend ses attouchements. Jenny est envoyée dans une famille qui pour une fois l’aime. Jenny parle, dit la vérité. Le couple prend les choses en main et dénonce le beau-père prédateur. De retour à la maison, le petite fille subit de violents reproches de la part de sa mère et de sa grand- mère.

La mère : « Si nous sommes à nouveau seules, ce sera de ta faute », lui disaient ses yeux.
« Nous sommes Tes victimes »
« Nous sommes calomniées »
« Tu es fautive, responsable, tu nous a fait de la peine ».
La grand-mère décrivant la prison : « … derrière ces murs, il y a plein de petites filles enfermées parce qu’elles ont trop parlé. »


Mensonge et faux-semblants est un livre vérité, un livre thérapie. Il lève le voile sur un secret trop longtemps gardé, sur une enfance maltraitée, détruite, par le prédateur et par le déni et la passivité coupable de la mère et de la grand-mère. Il le fait sans pathos et parfois avec humour ce qui renforce l’émotion ressentie à la lecture du livre. Le fait que l’auteur alterne les passages où elle utilise le personnage de Jenny pour parler de son enfance, et le « je » donne de la puissance au texte, entre recul et implication. Ce livre est aussi un superbe hommage au père nié, au père bafoué, celui dont on ne parle pas et qui va ressurgir dans la vie de Jenny. Un livre poignant et émouvant remarquablement écrit. Un livre qui se termine par cette citation d’Oscar Wilde : « Les enfants commencent par aimer leurs parents, puis ils les jugent, parfois ils leur pardonnent ». Une phrase qui résume superbement ce très beau livre. 

1 commentaire:

  1. merci Denis , tu as bien saisi l'importance de ce livre délicat, dans ce qu'il dénonce , le mensonge social et familial et encourage, le devoir d'ingérence, l'espoir et la transparence. merci encore

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