mardi 24 février 2015

A l'encre russe



À l'encre russe de Tatiana de Rosnay chez Heloïse d'Ormesson



   Nicolas Kolt, jeune écrivain prometteur, connaît une passe difficile. Après le succès international et inattendu de son premier roman "L'enveloppe", il a du mal à trouver l'inspiration pour le suivant qu'il a promis à son éditrice. Il décide de se mettre au vert dans un hôtel de luxe, au bord de la mer en Italie. Sa petite amie l'accompagne. Entre baignades, dîners fins, cocktails en tous genres, il tente d'écrire. Mais la page reste désespérément blanche. Comment retrouver la flamme qui l'avait habité lors de l'écriture de son  premier roman?


   L'écriture de son premier livre était pour Nicolas une évidence. Le roman s'était imposée à lui suite à un souci administratif. Devant renouveler son passeport Nicolas eut la surprise de découvrir qu'il devait faire la preuve de sa nationalité française car né de mère belge et de père né en Russie. C'est alors qu'il découvre un secret de famille, cette origine russe de son père. Son père, ce héros tant admiré, Théodore Duhamel, disparu en mer quelques années plus tôt, avait été adopté par son beau-père français. Chamboulé par cette nouvelle, il s'est servi de cette situation, de cette révélation pour écrire son roman. De Nicolas Duhamel, il s'est transformé en Nicolas Kolt, pseudonyme tiré du vrai nom de son père, Koltchine.

   "C'en était fini de l'existence placide et tranquille de Nicolas. Il n'était pas un Duhamel. À cette seule idée, un abîme s'ouvrait sous ses pieds. En ce jour gris, pendant ces deux heures au Pôle de la nationalité française, un changement subtil s'opérait. C'est ce jour-là que naquit Nicolas Kolt, mais il ne le savait pas encore."

  Nicolas Kolt, cet écrivain, auteur d'un unique roman, si courtisé, si adulé, se retrouve seul face à la page blanche. Son éditrice lui a fait une avance pour s'assurer de sa fidélité, mais il n'a pas l'ombre d'une idée pour son prochain livre. Il n'arrive plus à se concentrer, n'a plus la flamme. Il est constamment dérangé par des admirateurs. Il faut dire que Nicolas s'est laissé séduire par les sirènes de la célébrité, qu'il a embouché et fait résonner les trompettes de la renommée. D'interviews en pose pour des magazines ou des publicités et en conversations avec des fans sur Facebook et Twitter, Nicolas se serait-il perdu? C'est d'ailleurs ce que lui reproche son entourage, et ce qui a causé la rupture avec Delphine son ancienne compagne dont il est toujours amoureux. Nicolas est devenu superficiel, vide. Parviendra-t-il à retrouver sa voix?

  A l'encre russe nous fait plonger dans le mystère de la création littéraire, dans ce qui conditionne l'écriture. Nous sommes témoins de l'incapacité de Nicolas à écrire car il s'est perdu lui-même. Pour être capable d'écrire à nouveau, il lui faudra vivre un drame, et plonger en lui-même, plonger sa plume dans ce sang russe qui est son identité. Ce roman nous décrit le monde de requins de l'édition, où on essaie de se souffler les auteurs prometteurs, et les embûches qui guettent tout écrivain ayant du succès : les constantes sollicitations, l'argent facile qui embourgeoise et endort. Un roman passionnant sur l'identité et le métier d'écrivain.


  "Nicolas Duhamel devrait prendre ses distances vis à vis des réseaux sociaux et tempérer l'hystérie avec laquelle il s'y est jeté. Peut-être devrait-il cesser de tweeter une bonne fois pour toutes. La question est de savoir si "Nicolas Kolt" écrira un autre roman. Surfera-t-il éternellement sur la vague du succès de L'Enveloppe, alimenté par des éditeurs rapaces qui engrangent les profits, jusqu'à ce que sa beauté se fane et qu'un autre écrivain-produit prenne la relève? Il n'y aura pas de nouveau livre de "Nicolas Kolt". Il est trop occupé à s'admirer dans les centaines de miroirs qu'on lui tend."

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