vendredi 27 février 2015

La route des coquelicots



La route des coquelicots de Biefnot-Dannemark aux éditions Le Castor Astral



   Olena, une jeune Ukrainienne a traversé les frontières sans papiers pour assurer à sa famille un avenir meilleur. Pour assurer des conditions de vie décentes à sa fille, restée chez sa grand-mère au pays, elle a dû se séparer de son mari parti trouver du travail au Portugal. Après de nombreuses péripéties, elle se retrouve en France où, malgré sa situation, elle est employée à la Moisson, une maison de retraite qui s'occupe particulièrement bien des ses pensionnaires. Mais la peur est toujours là ! La peur d'être contrôlée, d'être renvoyée en Ukraine. Malgré cette peur, malgré cette peine qui l'étreint constamment, Olena sourit.

   "L'homme la croise, lui sourit et poursuit son chemin. Olena, soulagée, avale une longue goulée d'air frais. Peut-être cet homme-ci l'a-t-il trouvée jolie... Peut-être son sourire ne cachait-il rien d'autre. Dommage de devoir toujours se méfier mais la rue est un danger et les inconnus sont une menace, alors elle presse le pas, encore."

  Olena a trouvé du travail à la Moisson (elle y fait le ménage et s'occupe des pensionnaires) mais pas seulement. Elle y a trouvé un ersatz de famille, un peu de réconfort dans sa vie si douloureuse loin de la sienne, de son mari, de sa fille. Elle y évolue au milieu de patrons bienveillants et de retraités qui l'adorent. Elle y a fait la connaissance de Lydie, la plus âgée, modèle de gentillesse et de sagesse, d'Henriette, femme simple (ancienne mercière) et droite et de Flora qui aurait été une danseuse de talent et qui passe son temps à s'en vanter. Les deux dernières ne cessent de se crêper le chignon, leurs différends étant exacerbé par le fait que Quentin le petit  fils d'Henriette, et Stéphanie, la  petite fille de Flora sont amoureux et vont finir par se séparer. Voyant leurs petits enfants malheureux, elles vont bâtir le projet commun de les réunir, mais pour cela il faut aller trouver Stéphanie partie au Portugal. Avec l'aide de Lydie qui fournit l'appui financier, et d' Olena la conductrice, elles vont donc mettre le projet à exécution, en faisant un petit détour par l'Allemagne pour qu'Olena puisse aller chercher sa fille dont le transfert a été organisé par un passeur. Leur aventure, un peu folle est suivie de la maison de retraite par Charles et Théo, les deux chevaliers servants qui attendent leur heure.


  Dans ce road novel, les trois vieilles dames, sorties de leur zone de confort vont se révéler à elles-mêmes et aux autres. Les fleurs fanées qu'elles étaient à la maison retraite vont s'épanouir à nouveau à l'engrais (sans pesticide) de l'aventure vécue en commun sur la route des coquelicots. Elles vont reprendre vigueur et couleurs. Véronique Biefnot et Francis Dannemark qui ont écrit ce roman à quatre mains, nous offrent une histoire, pleine d'humanité, de tendresse, d'amour  et d'espoir. Un roman plein de poésie qui se lit d'une traite. L'exercice périlleux du roman à quatre mains est réussi avec brio tant le style est fluide. Les apports de l'un et de l'autre se fondent parfaitement pour former ce tout si agréable à lire. Un régal.


  "Ainsi font les heures, elles tissent des journées, et les journées se rassemblent pour composer des semaines, des années, des vies. Bien que le temps, au bout du compte, soit une illusion, il fait de son mieux pour remplir la mission que nous lui confions et justifier le fait que nous avons inventé montres et chronomètres : il mesure ce que nous ne pouvons pas mesurer, le miracle d'être vivant."

Le roman sera disponible en librairie le 5 mars.
Pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas attendre (comme je les comprends), Véronique Biefnot et Francis Dannemark seront présents avec leur roman, à la Foire du Livre de Bruxelles les 28 février et 1er mars 2015



 

jeudi 26 février 2015

De l'influence du lancer de minibar sur l'engagement humanitaire




De l'influence du lancement de minibar sur l'engagement humanitaire de Marc Salbert aux éditions Le Dilettante




Arthur Berthier est critique rock dans un journal. Envoyé à Cannes avec son ami et photographe attitré, Hassan, il en revient avec une note de frais particulièrement salée. Lors d'un concert il fait la connaissance de DJ Jannicke, une jeune norvégienne au tempérament de feu. Ils se précipitent dans sa chambre d'hôtel, où sous l'influence de l'alcool, de pilules diverses et variées et d'herbe (que du  bio), Arthur est victime d'hallucinations. Ils saccage sa chambre d'hôtel, et lance le minibar par la fenêtre, endommageant une voiture qui se trouvait malencontreusement sous le balcon. Convoqué par Parker, en charge du redressement financier du journal, il est sanctionné. Son salaire sera ponctionné et il est rétrogradé aux informations générales en compagnie de son acolyte.


   "-Vous avez réponse à tout monsieur Berthier.
    - C'est la base de l'activité journalistique monsieur, vous avez les questions , j'ai les réponses.
    - Et la base de mon activité est de sanctionner les comportements qui ont mené ce journal au bord du gouffre. Sachez monsieur Berthier que ces 10 000 euros seront intégralement ponctionnés sur votre salaire  et qu'à partir de lundi, vous serez reversé au service infos génés en attendant que l'on statue sur votre cas. La conférence de rédaction a lieu à 8H30, tâchez de vous en souvenir."


   Dure sanction pour ce noctambule que de devoir se lever le matin pour assister aux réunions de la rédaction. On lui demande d'écrire un article sur un campement de réfugiés Afghans installé dans un square parisien. A peine arrivé sur les lieux, le campement subit l'assaut d'une compagnie de CRS durant lequel Arthur est matraqué. Il se retrouve à l'hôpital et c'est à partir de ce moment que sa vie va basculer. La machine médiatique s'emballe. Le journal s'empare de l'affaire, dénonçant une atteinte à la liberté de la presse. Arthur se retrouve au centre de cet emballement médiatique et devient bien malgré lui l'image même de la lutte contre l'État policier et le fer de lance de la défense des sans-papiers, allant même malgré ses réticences jusqu'à héberger un réfugié Afghan.


   Ce roman est une satire de l'emballement médiatique si courant de nos jours. Comment un fait, certes grave, mais finalement assez banal se retrouve en première page et suscite une frénésie aussi intense qu'éphémère. Arthur, adolescent  quadragénaire,  qui n'est pas sans rappeler Philippe Maneuvre, vivant dans un gourbi où les seuls objets de valeur sont liés à sa passion pour le rock, voit sa vie changer par le traitement que la presse fait de l'incident dont il a été la victime. Un roman plein de verve, au style jubilatoire. On y rencontre des personnages hauts en couleur : l'ex femme d'Arthur, par exemple,  tient une agence qui fournit de "vrais gens"pour les émissions de téléréalité. On sent le plaisir qu'a pris l'auteur à écrire ce livre et nous le partageons. Ce roman est aussi un hommage au rock, il est ponctué de titres de chansons, de noms de groupes qui ont fait les belles heures de ce genre musical. A lire, le casque sur les oreilles en écoutant Led Zeppelin, The Clash... En bref un roman qui fait du bien.


mercredi 25 février 2015

Souvenirs de lecture 3 : Laurence Tardieu



Souvenirs de lecture 3 : Laurence Tardieu


   
   Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui, c'est à Laurence Tardieu que j'ai voulu poser ces questions. Je la remercie chaleureusement pour son temps si précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi?

LT :     On peut dire que j'étais encore adolescente, oui : ça remonte au jour anniversaire de mes seize ans. Ce jour là, un ami m'a offert un petit livre, mince, à la couverture bleue. C'était Noces , de Camus. J'en ressens encore l'onde de choc sous ma peau. J'ai aimé ce texte dès sa première phrase, pour la force de sa sensualité : cette promenade dans la nature algérienne écrasée de chaleur, où la force du présent et son éblouissement nous empoignent à même le corps. J'ai lu le texte le soir même (j'étais très amoureuse de l'ami en question...), et moi aussi, alors que je lisais les mots de Camus, je faisais cette même promenade, je sentais les odeurs, la brise sur ma peau, la chaleur, je nageais dans la mer, j'ouvrais grand les yeux, je regardais en face mon présent, je me sentais oh combien vivante. J'ai lu et relu ce texte je ne sais combien de fois. Je crois que c'est avec ce texte que j'ai compris combien la littérature pouvait restituer, avec une force poignante, la vie.


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire?

Lt :      J'ai su au plus profond de moi dès l'âge de six, sept ans, que je voulais écrire. Mais ce texte, d'une immense force et pourtant à hauteur d'homme, loin de m'inhiber, m'a donné plus encore le courage d'oser exprimer, dans ma langue à moi, ma rythmique à moi, ce qui m'appartenait : car l'écriture de Camus est si limpide, si "immédiatement vraie", qu'elle a été pour moi comme une voix qui me chuchotait à l'oreille : "vis Laurence, vis pleinement! et tu sais que pour toi vivre, c'est écrire! alors écris!" Avoir lu Noces de Camus, c'était pour moi, savoir d'un coup, dans une pleine évidence, que l'écriture devait tenter de s'approcher au plus près de la vie. L'écriture serait incarnée, il faudrait chercher à ce que mes mots deviennent vie, autrement, il n'y aurait pas d'écriture.


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coup de coeur?

LT     : Mes dernières lectures coup de coeur :

            Je viens de lire Amours de Léonor de Récondo qui m'a profondément émue et laissé une sensation durable. Bien que ce texte soit extrêmement classique dans sa forme, je l'ai trouvé fort, vrai, ample. C'est la première fois que je lisais un texte de cet auteur.

            J'ai beaucoup aimé aussi dernièrement La route de Beit Zera de Hubert Mingarelli, qui vient de paraître chez Stock. Pour le dépouillement et la force de ce texte. 

            Et j'ai commencé avec ravissement  Tout et rien d'autre, les entretiens de Susan Sontag, parus aux éditions Climat, passionnants. Un texte qui vous élève et qui vous brûle.


Biographie

  Laurence Tardieu est née à Marseille en 1972. L'écriture est là depuis l'enfance, nécessaire, évidente, non pas à côté de la vie, mais dans la vie, prenant sa source en elle, la rendant possible tout en l'éclairant. Après deux années de Classes Préparatoires au Lycée privé Sainte Geneviève (Versailles) puis trois années à l' ESSEC dont elle sort diplômée en 1995, elle travaille comme consultante chez Bossard Consultants. Elle sait très vite que rien n'est plus important pour elle qu'écrire et décide de se consacrer à l'écriture dès 1998. Elle découvre cette même année le théâtre, suit trois ans de formation au Conservatoire d'Art Dramatique du 9ème arrondissement de Paris, en sort diplômée en 2001.

  Elle publie son premier livre, Comme un père, en 2002. Elle mène en parallèle pendant quelques années écriture et théâtre, puis à partir de 2006, se voue totalement à l'écriture.

   Elle publie en 2011 son sixième roman, La confusion des peines, qui marquera un tournant important dans son travail d'écrivain : pour la première fois, elle s'attelle à un matériau autobiographique. Elle n'en sortira pas indemne, mais cette rupture aura profondément fait évoluer son travail et sa réflexion littéraires. Elle publie ensuite un journal de création, l'Ecriture et la vie qui retrace sa quête pour "retrouver des mots qui ont du sens". Une vie à soi, roman autobiographique , paraît en août 2014.

Autre roman de Laurence Tardieu chroniqué sur ce blog : Rêve d'amour.


   Encore un immense merci à Laurence Tardieu pour sa gentillesse et sa disponibilité. Tous les titres de romans ayant fait l'objet d'un chronique sur ce blog sont colorisés  et disposent d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique correspondante d'un simple clic.




mardi 24 février 2015

A l'encre russe



À l'encre russe de Tatiana de Rosnay chez Heloïse d'Ormesson



   Nicolas Kolt, jeune écrivain prometteur, connaît une passe difficile. Après le succès international et inattendu de son premier roman "L'enveloppe", il a du mal à trouver l'inspiration pour le suivant qu'il a promis à son éditrice. Il décide de se mettre au vert dans un hôtel de luxe, au bord de la mer en Italie. Sa petite amie l'accompagne. Entre baignades, dîners fins, cocktails en tous genres, il tente d'écrire. Mais la page reste désespérément blanche. Comment retrouver la flamme qui l'avait habité lors de l'écriture de son  premier roman?


   L'écriture de son premier livre était pour Nicolas une évidence. Le roman s'était imposée à lui suite à un souci administratif. Devant renouveler son passeport Nicolas eut la surprise de découvrir qu'il devait faire la preuve de sa nationalité française car né de mère belge et de père né en Russie. C'est alors qu'il découvre un secret de famille, cette origine russe de son père. Son père, ce héros tant admiré, Théodore Duhamel, disparu en mer quelques années plus tôt, avait été adopté par son beau-père français. Chamboulé par cette nouvelle, il s'est servi de cette situation, de cette révélation pour écrire son roman. De Nicolas Duhamel, il s'est transformé en Nicolas Kolt, pseudonyme tiré du vrai nom de son père, Koltchine.

   "C'en était fini de l'existence placide et tranquille de Nicolas. Il n'était pas un Duhamel. À cette seule idée, un abîme s'ouvrait sous ses pieds. En ce jour gris, pendant ces deux heures au Pôle de la nationalité française, un changement subtil s'opérait. C'est ce jour-là que naquit Nicolas Kolt, mais il ne le savait pas encore."

  Nicolas Kolt, cet écrivain, auteur d'un unique roman, si courtisé, si adulé, se retrouve seul face à la page blanche. Son éditrice lui a fait une avance pour s'assurer de sa fidélité, mais il n'a pas l'ombre d'une idée pour son prochain livre. Il n'arrive plus à se concentrer, n'a plus la flamme. Il est constamment dérangé par des admirateurs. Il faut dire que Nicolas s'est laissé séduire par les sirènes de la célébrité, qu'il a embouché et fait résonner les trompettes de la renommée. D'interviews en pose pour des magazines ou des publicités et en conversations avec des fans sur Facebook et Twitter, Nicolas se serait-il perdu? C'est d'ailleurs ce que lui reproche son entourage, et ce qui a causé la rupture avec Delphine son ancienne compagne dont il est toujours amoureux. Nicolas est devenu superficiel, vide. Parviendra-t-il à retrouver sa voix?

  A l'encre russe nous fait plonger dans le mystère de la création littéraire, dans ce qui conditionne l'écriture. Nous sommes témoins de l'incapacité de Nicolas à écrire car il s'est perdu lui-même. Pour être capable d'écrire à nouveau, il lui faudra vivre un drame, et plonger en lui-même, plonger sa plume dans ce sang russe qui est son identité. Ce roman nous décrit le monde de requins de l'édition, où on essaie de se souffler les auteurs prometteurs, et les embûches qui guettent tout écrivain ayant du succès : les constantes sollicitations, l'argent facile qui embourgeoise et endort. Un roman passionnant sur l'identité et le métier d'écrivain.


  "Nicolas Duhamel devrait prendre ses distances vis à vis des réseaux sociaux et tempérer l'hystérie avec laquelle il s'y est jeté. Peut-être devrait-il cesser de tweeter une bonne fois pour toutes. La question est de savoir si "Nicolas Kolt" écrira un autre roman. Surfera-t-il éternellement sur la vague du succès de L'Enveloppe, alimenté par des éditeurs rapaces qui engrangent les profits, jusqu'à ce que sa beauté se fane et qu'un autre écrivain-produit prenne la relève? Il n'y aura pas de nouveau livre de "Nicolas Kolt". Il est trop occupé à s'admirer dans les centaines de miroirs qu'on lui tend."

samedi 21 février 2015

L'âge de la colère



L'âge de la colère de Fernando J. Lopez, Sol y Lune éditions


   Madrid. Un fait divers horrible vient d'avoir lieu, un drame familial. Marcos un adolescent est accusé d'avoir sauvagement tué son père et d'avoir grièvement blessé l'un de ses frères. Santiago, un journaliste, veut comprendre ce qu'il s'est passé. Il projette d'en faire un livre. Après avoir arraché l'accord de son éditrice il se lance dans l'enquête. Qu'est ce qui a bien pu pousser Marcos à un tel accès de violence?

    L'enquête de Santiago le mène au lycée où étudiait Marcos, un lycée sous le choc. Il y fait la connaissance de Sonia, la Conseillère Principale d'Éducation à qui il explique son projet. Avec l'accord réticent du proviseur, Santiago va pouvoir enquêter. Il va s'appuyer sur plusieurs professeurs, dont le professeur principal, Alvaro, un enseignant inexpérimenté dont c'est le premier poste. Il hérite d'une des classes les plus difficiles du Lycée. D'autres professeurs ainsi que Sonia vont participer à cette enquête ainsi que quelques camarades de classe de Marcos avec l'accord de leurs parents. Santiago retourne alors dans les couloirs de son ancien lycée ou il va découvrir des professeurs découragés, manquant de moyens, livrés à eux-mêmes, des adolescents agités, peu concernés, des parents ou trop présents ou pas assez, une administration qui pare au plus pressé.

   "C'est un cercle vicieux, bien sûr, très simple, et facile. Ils savent qu'il suffit de nous taper sur les nerfs pour que tout éclate et finisse par nous exploser à la figure. Les parents, selon leur personnalité, aident à différents degrés. Pas beaucoup, à vrai dire. Soit ils ne s'impliquent pas, soit ils s'impliquent sans trop se mouiller. Éduquer de cette façon devient impossible. On ne peut pas exercer l'éducation seulement - et tout seuls - entre ces murs."

   L'enquête nous montre Marcos comme un jeune garçon apprécié de ses camarades, un leader, un garçon qui en impose, mais pas quelqu'un de violent. Il est apprécié par la majorité des ses professeurs qui s'appuient sur lui pour contrôler les autres élèves. Mais Marcos a changé ces derniers temps depuis la mort de sa mère. Il s'est d'abord renfermé, puis s'est attaqué à la voiture d'un professeur, mais rien n'indiquait qu'il était susceptible de commettre un tel acte. C'est un garçon  en pleine recherche de lui-même de son identité, bridé par un père très sévère. Santiago va tout faire pour éclairer les zones d'ombres qui émaillent cette affaire, pour briser le silence au lycée et dans les familles.


   L'âge de la colère nous montre le lycée tel qu'il est, à l'image de notre société. Les histoires personnelles des différents intervenants : enseignants, élèves se chevauchent, se heurtent, entrent en conflit dans ce vase clos ou toutes les émotions sont exacerbées. Une école où le manque de moyens et de volonté au plus haut niveau échoue dans son rôle éducatif et qui au lieu de les aider à grandir, à s'instruire, à s'émanciper, a plutôt tendance à détruire les plus faibles.  Un roman passionnant sur l'adolescence qui se cherche, qui essaie tant bien que mal de trouver son identité avec tout ce qui cela implique de conflits avec l 'autorité  tant dans la famille que dans le milieu scolaire. Un roman qui nous rappellera à tous nos années lycées avec leurs amitiés, les harcèlements entre élèves, les professeurs investis d'une mission, les autres dépassés, découragés, le tout amplifié par une société en manque de repères. Ce roman passionnant est à la fois une véritable enquête sur notre société et un thriller qui ne se lâche plus une fois commencé. Le lecteur est plongé, immergé dans l'enquête de Santiago.

   

jeudi 19 février 2015

Au plaisir d'aimer




Au plaisir d'aimer de Janine Boissard aux éditions Flammarion



    Aymar de Fortjoie, vient de décéder à l'âge de 76 ans. Ses trois filles sont appelées au château. Le défunt les laisse dans l'embarras avec un château, gouffre financier qui aurait bien besoin de travaux. Mais là n'est pas le seul problème auquel les trois filles doivent faire face. Passionné d'art contemporain, le vieux mécène avait décidé d'ouvrir les portes de sa demeure à quatre jeunes artistes en qui il croyait beaucoup. Les dernières volontés d'Aymar sont claires, garder le château dans la famille et continuer à abriter et à aider les quatre peintres.


   Rose-Marie, la présidente de l'association des Amis de Fortjoie et ancienne maîtresse aux longs cours d'Aymar, Diane, Filippa, et Margot, ses trois filles, se heurtent à un problème de taille : comment faire face au coûts des travaux et aux droits de successions qui s'annoncent astronomiques. Très vite l'idée de faire visiter le château et de créer des ateliers de découverte de l'art contemporain apparaît comme une solution. Les vieux tableaux (dont quelques belles pièces) sont vendus, les travaux et les visites peuvent commencer. Mais tout cela ne rapporte pas assez. C'est alors que la bonne idée germe dans l'esprit de ces dames. Proposer aux femmes de la bonne société de Poitiers de poser pour des portraits qu'elles achèteraient, le bénéfice des ventes allant directement dans les caisses de l'association. L'idée paraît bonne. Ces dames trompées par leurs maris, devenues transparentes à leurs yeux se sont déjà entichées de ces jeunes peintre considérés comme des marginaux par leurs époux. Les jeunes peintres, quant à eux, cloîtrés au château sont sevrés de présence féminine. 


   Le projet démarre sur les chapeaux de roues. Très vite les commandes affluent et de tendres liens, plus ou moins étroits selon les cas, se nouent entre peintres et modèles. Les dames prennent confiance en elles. Leur grisaille se pare de chatoyantes couleurs, elles semblent revivre. Cela met la puce à l'oreille de Guy Ardoin, député, dont Aude l'épouse, fut la première volontaire empressée. Il débarque au château, lui le coureur de jupons, et trouve sa femme dans les bras de Joseph, son portraitiste. Le scandale éclate. Comment vont faire Rose-Marie et les trois filles pour désamorcer la bombe et conserver Fortjoie?


  Avec Au plaisir d'aimer Janine Boissard nous livre un roman pétillant, plein d'humour, de polissonnerie. Un  roman qui montre que le plaisir de vivre, le plaisir d'aimer est possible à tout âge. Dans les mûrs de Fortjoie, le bien nommé, ces dames d'âge mûr reprennent goût à la vie, au plaisir, parce qu'on les regarde, qu'on s'intéresse à elle. Le roman est porté par un style alerte, plein d'humour, de verve, une plume par moments jubilatoire et insolente. Un agréable moment de lecture plein de légèreté.

Date de parution : le 25/02/15


mardi 17 février 2015

Souvenirs de lecture 2 : Francis Dannemark

Souvenirs de lecture 2 : Francis Dannemark


     Nous avons tous de ces lectures qui nous ont profondément touchées, qui sont comme des madeleines de Proust : on se souvient où on était quand on les lisait, quel temps il faisait. Il m'a semblé intéressant de savoir quelles lectures avaient marqué les auteurs et en quoi elles avaient influencé leur désir d'écrire. Aujourd'hui c'est à un écrivain belge que j'ai voulu poser ces questions, Foire du Livre de Bruxelles oblige. Un écrivain dont j'ai fait la découverte très récemment grâce à mon amie Sophie Matthys : Francis Dannemark. Je le remercie chaleureusement pour son temps précieux, sa gentillesse et sa disponibilité.


LLH : Quel livre lu dans votre adolescence vous a le plus marqué et pourquoi?

FD    : Très tôt, j'ai fréquenté assidûment la bibliothèque de mon quartier et, ayant vite épuisé le secteur jeunesse, j'ai obtenu l'autorisation spéciale de fréquenter la bibliothèque des adultes. Ce jour-là, c'est comme si l'on m'avait offert la clé du monde! J'ai lu dans ma jeunesse tant de livres et si différents les uns des autres, que répondre à cette question me semble quasi impossible. Pourquoi? Tous ces livres lus (romans littéraires et populaires, encyclopédies, anthologies, recueils de nouvelles et de poèmes, etc.) n'en forment à mes yeux qu'un seul. Un seul et unique grand livre. Tous m'ont nourri. Ceux de Balzac et les "petits" romans policiers et humoristiques de Charles Exbrayat. "Socrate était laid" et "Ces dames aux chapeaux verts". Les aventures de Don Camillo, celles d'Alice au pays des merveilles et celles de Bob Morane ( et aussi celles du Club des Cinq). La comtesse de Ségur.  "Le diable au corps" de Radiguet, lu d'une traite  sans relever la tête. Alexandre Dumas. Jules Verne. Dickens.  Poe. Mauriac. Vian ( tout Boris Vian, y compris ses chroniques de jazz). Daniel Boulanger.  Saki. Graham Greene. Michel Butor. Les poètes japonais. Les poètes romantiques anglais (en édition bilingue) - et je me souviens encore de mon émotion en lisant des vers de Keats.

  Comment en retenir un seul. Ce serait injuste. Néanmoins, pour ne pas donner l'impression que je me défile, je citerai "La gloire de mon père", de Marcel Pagnol. J'ai lu et relu ce livre durant des années. Quand je le reprends aujourd'hui, je suis encore fasciné par sa merveilleuse simplicité. Tout coule de source. Et c'est un livre heureux! C'est beau un livre heureux. Sans doute est-ce ce que nous rêvions d'écrire, Véronique et moi, avec "La route des coquelicots". http://www.francisdannemark.be/biefnot-dannemark/


LLH : En quoi ce livre a-t-il eu une influence sur votre désir d'écrire?

FD : Je crois y avoir répondu ci-dessus : j'admire profondément les grands stylistes de la littérature et une belle phrase peut m'émouvoir durablement ; mais ce que je recherche encore et toujours en écrivant, c'est la  simplicité. Héritage plus que certainement de ma fréquentation assidue de "La gloire de mon père". La simplicité et la fluidité (la musicalité) - un goût acquis en lisant de la poésie et en écoutant des millions de chansons (anglo-saxonnes surtout, et en particulier les chansons des années 1930, celles de Cole Porter, Irving Berlin,...)


LLH : Quelles sont vos dernières lectures coup de coeur?

FD  : Étant éditeur depuis pas mal d'années, j'ai un sérieux problème : à force de lire des manuscrits et de travailler sur des textes, de corriger des épreuves, etc., je me retrouve souvent hors d'état de lire pour le plaisir. Je rêve de plus en plus souvent de ne plus éditer de livres (ou alors de temps en temps), pour pouvoir à nouveau lire, librement!
  Les dernières années, mes lectures hors travail ont été essentiellement des ouvrages anglais sur le cinéma ( et en particulier le cinéma hollywoodien des années 1930-1950).
   Mais je n'ai pas vraiment abandonné la littérature! Et j'ai envie de citer quatre coups de coeur :

Denis Grozdanovitch, "L'art difficile de ne presque rien faire" : tous les essais de Denis Grozdanovitch me fascinent et m'enchantent. C'est l'auteur français, dont j'attends chaque nouveau titre avec impatience!

Virginia Woolf, "Au hasard des rues" : je ne connaissais pas ce court texte, récemment traduit en français. J'en suis sorti ébloui.

Elizabeth Von Arnim, "Avril enchanté" : à mes yeux, un pure merveille. Infiniment et élégamment sentimentale. (Je recommande presque tout ce qu'elle a écrit!)

Véronique Biefnot,  "Là où la lumière se pose" : il y a peu (pour ne pas dire pas) de romans que je connaisse mieux que celui-là, qui clôture la trilogie de Véronique (inaugurée avec "Comme des larmes sous la pluie" et pousuivie avec "Les murmures de la terre"). Elle a créé avec Naëlle un personnage inoubliable et écrit une histoire qui est à la fois sentimentale et fantastique, un passionnant roman populaire et poétique (il suffit de lire les dernières pages...).


Biographie

  Francis Dannemark est né en 1955 sur la frontière franco-belge. Après des études de lettres à l'Université de Louvain, il a notamment été enseignant, critique de cinéma, adjoint du rédacteur en chef d'un journal de bandes dessinées, attaché culturel dans un cabinet ministériel, animateur d'ateliers d'écriture, directeur d'un centre culturel bruxellois et fondateur-directeur des associations Escales des lettres (Bruxelles et Arras), avec lesquelles il a organisé de nombreux festivals littéraires internationaux. Il est actuellement codirecteur de la collection "Escales des lettres", qu'il a fondée avec Jean-Yves Reuzeau en 1998 aux Éditions Le Castor Astral (Bordeaux/Paris), et conseiller littéraire indépendant.
Véronique Biefnot et Francis Dannemark

  Depuis 1977, il a publié une trentaine de livres. Pour la plupart ils sont parus chez Robert Laffont et au Castor Astral. Quelques-uns de ses romans : Mémoires d'un ange maladroit , Choses qu'on dit la nuit entre deux villes, Le grand jardin,  La longue promenade avec un cheval mort, Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver, La Véritable vie amoureuse de mes amies en ce moment précis, Histoire d'Alice qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris, plus un) et Aux Anges.




Encore un immense merci à Francis Dannemark pour sa gentillesse et sa disponibilité. A noter la prochaine parution (le 5 mars) du roman qu'il a écrit à quatre mains avec Véronique Biefnot, "La route des coquelicots". Les deux auteurs seront présents à La Foire du Livre de Bruxelles les 28 février et 1er mars. Tous les titres des romans de Francis Dannemark ayant fait l'objet d'une chronique sur le blog sont colorisés et disposent d'un lien intégré vous permettant d'accéder à la chronique correspondante d'un simple clic.




Les heures silencieuses



Les heures silencieuses de Gaëlle Josse aux éditions J'ai lu


  12 novembre 1667, c'est à cette date que commence l'histoire. En plein siècle d'or hollandais. Une période où les Pays Bas étaient la puissance commerciale. Magdalena Van Beyeren, fille et épouse d'armateur se confie à son journal. C'est elle que l'on voit sur ce tableau d'Emanuel De Witte. Un tableau sur lequel elle a souhaité être représentée dans sa chambre, assise à son épinette aux premières heures du matin. C'est à ces heures silencieuses qu'elle se sent le plus à son aise, qu'elle écrit, qu'elle joue de la musique.

   "C'est la lumière du soleil montant, celle des promesses du jour, que j'ai voulue pour ce tableau. La journée n'est pas encore écrite, et ne demande qu'à devenir. Ce sont mes heures préférées, j'aime leur reflet dans le miroir de Venise où l'écho de nos silhouettes se perd dans les dorures."

  C'est le journal de Magdalena que nous lisons. Elle y raconte ses joies d'enfant quand elle allait avec son père, dépourvu d'héritier mâle, sur les bateaux à quai, c'était à chaque fois une fête. Elle y déverse ses chagrins, ses peines. Ses rêves d'océan et de contrées lointaines se sont vite heurtés à sa condition de femme. Intelligente, organisée, elle ne peut être que l'assistante de son père, puis celle de son mari à qui son père lègue sa charge. Elle doit se résigner à n'être qu'une épouse, une mère, elle va perdre des enfants en bas âge et  veiller sur ses deux filles restantes auxquelles elle va devoir trouver un mari. Voilà à quoi se résume sa vie, aux murs de sa maison, à la domesticité, à fournir une descendance à son mari. Elle est résignée mais digne. Qu'ils paraissent loin ces doux souvenirs de l'enfance dans lesquels elle se replonge avec une joie teintée d'amertume.

   "Avec le temps, ce sont nos joies d'enfant que nous convoquons le plus facilement dans nos souvenirs, elles nous accompagnent avec une rare fidélité. Retrouver ce que nous avons éprouvé dans ces moments demeure une source de félicité que nul ne pourra nous ravir. Le cours de nos vies est semé de pierres qui nous font trébucher, et de certitudes qui s'amenuisent. Nous ne possédons que l'amour qui nous a été donné et jamais repris."


   Puisant son inspiration dans le tableau d'Emmanuel de Witte, Intérieur avec une femme jouant de l'épinette, c'est  un portrait de femme résignée que nous livre Gaëlle Josse. Une femme résignée et digne, qui a voulu figurer sur ce tableau de dos car sa personnalité est niée par son statut. Un portrait touchant, émouvant, une image de la condition de la femme à cette époque. Un portrait tout en subtilité, tout en poésie, tout en musicalité, tout en justesse. Gaëlle Josse a le don de transcrire sur le papier l'âme humaine, ses forces, ses failles. Ce roman est le premier de l'auteur, le dernier qu'il me restait à lire et encore un fois, il m'a touché au coeur.


Intérieur avec femme jouant de l'épinette d'Emmanuel de Witte

   "La vie ne ressemble pas à l'idée que nous en avions, et il nous appartient de savoir accepter notre sort. Je sais qu'il me reste un long chemin à parcourir pour trouver la paix, et ces propos que je m'efforce de tenir parlent à mon esprit, mais ils n'apaisent ni mon coeur, ni ma chair."


Autres chroniques des romans de Gaëlle Josse : Nos vies désaccordées, Noces de neige, Le dernier gardien d'Ellis Island


lundi 16 février 2015

Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver




Du train où vont les choses à la fin d'un long hiver de Francis Dannemark aux éditions Robert Laffont



   Fin février à Bruxelles, Christopher , la cinquantaine, se rend à la gare. Sur le parking, c'est la tempête. Christopher aide une femme à maintenir la porte de son taxi ouvert. Tous deux entrent dans la gare et se perdent de vue. Les deux inconnus se retrouvent à la gare Montparnasse au pied d'un train en partance pour l'Espagne. Ils se reconnaissent et décident de faire le voyage ensemble. La conversation se nouent entre eux.


  Au cours du voyage Christopher et Emma sympathisent. Christopher se raconte, il est en fin de parcours, il veut quitter, un métier, une vie qui ne lui correspondent plus. Organisateur de festivals, ce métier ne lui convient plus gangrené qu'il est par les lourdeurs administratives et le fait que la culture est devenu un produit de consommation comme un autre, soumis à la publicité, au marketing, à l'argent. Les confidences de Christopher vont amener Emma à se découvrir petit à petit. Leur conversation prenant la forme d'un bilan de leurs vies respectives. Ils ne se quitteront plus de tout le voyage tous deux vont au Portugal.


  Un long voyage en train pour un très beau et trop court roman. Un roman dont la brièveté se justifie par la description d'un instant. L'instant unique et magique d'une rencontre. Une rencontre facilitée par la longueur du trajet. Christopher et Emma vont parler d'eux-mêmes de tout et de rien, de la situation politique et économique, de ce monde dominé par la consommation  de masse. Un voyage physique et métaphorique  qui va les mener de la grisaille de leurs vies vers le soleil.  Un roman bercé par le mouvement lent du train à contrepied de la frénésie de notre société. Un voyage en train, éloge de la lenteur de la douceur. Un  temps suspendu  à l'image de la plume de Francis Dannemark, tendre, douce, pleine de poésie. Embarquez pour ce voyage. Prenez le temps de savourer cette rencontre. J'aurais aimé passer plus de temps avec ces deux personnages mais malheureusement tout voyage a une fin qui peut être le début d'autre chose, d'une autre vie.

 
  "Je pourrais dire du jazz que c'est un mélange d'élégance et de souplesse, que c'est la magie de l'instant , comment dire?  un léger détachement, un équilibre fragile et émouvant... Quelque chose comme ça. Mais l'amour, je ne sais pas.
    Emma hésite un instant avant de laisser venir les mots qui lui sont venus à l'esprit : 
    - C'est peut-être la même chose, vous ne croyez pas?
    Christopher la regarde avec attention. "Je n'y avais jamais songé" dit-il à voix basse."


   "Les décisions importantes se prennent toujours vite, je crois. Elles mûrissent en secret et puis, le moment venu, elles tombent en un instant. C'est comme les bourgeons, ça me fascine depuis que je sui petite, d'un jour à l'autre ils s'ouvrent et c'est le printemps."


dimanche 15 février 2015

Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage



Étrange suicide dans un Fiat rouge à faible kilométrage de L.C. Tyler aux édtions Pocket




 Ethelred est écrivain. Pas un écrivain un à succès, loin de là, il doit cumuler les royalties des romans écrits sous trois pseudonymes pour pouvoir vivre à peu près correctement. Un jour la police vient lui annoncer la disparition inquiétante de son ex-femme. La police suspecte un suicide car Géraldine a laissé sa voiture, une Fiat rouge de location sur un parking non loin de chez son ex dans le Sussex alors qu'elle habite à Londres. Et dans cette voiture une lettre explicite.  Mais si elle a voulu se suicider pourquoi s'est-elle rapprochée du lieu d'habitation d' Ethelred? Cette question tarabuste la police mais également notre héros.


  Ethelred, personnage falot qui a toujours été dominé par Géraldine qui s'est servi de lui jusqu'à ce qu'elle trouve un autre pigeon, se demande ce qui est passé par la tête de Géraldine. Avec Elsie son agent littéraire, haut en couleur, ils vont se demander si elle n'a pas organisé sa propre disparition, Géraldine avait des dettes. Peu de temps après les choses prennent une tournure plus dramatique, le corps est retrouvé. Ecrivain de romans policiers Ethelred s'est toujours interdit d'écrire sur les détectives amateurs comme beaucoup de ses illustres prédécesseurs. Il fait confiance à la police. Mais Elsie, personnage autoritaire et au culot monstre à qui on est obligé de céder n'est pas de cet avis. En compagnie d'Elsie, notre romancier va donc se lancer dans l'enquête bien malgré lui.



 Étrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage est un roman policier mais il  est bien plus que ça. Original par sa construction avec la présence de deux narrateurs, il nous plonge dans la vie d'un écrivain médiocre. On le voit enquêter, on le voit peiner sur la page blanche, écrire et effacer sans cesse le première page de son roman, une énième aventure de l'inspecteur Fairfax, ce personnage qui n'en fait qu'à sa tête, qui se refuse à son auteur. Un roman à l'humour british omniprésent. Le personnage d'Ethelred est particulièrement attachant. C'est un personnage lunaire si indulgent avec celle qui a ruiné sa vie, un romancier qui voudrait écrire des oeuvres plus littéraires, plus ambitieuses mais qui est ramené à la réalité du quotidien par son agent qui veille sur lui de façon autoritaire. Un roman passionnant, très bien ficelé, désopilant, un roman qui brouille les pistes en permanence. Un très bon moment de lecture.

  "Aujourd'hui je suis trois écrivains différents, dont aucun ne semble porté sur le sexe.
    C'est peut-être la raison pour laquelle aucun des trois ne se vend particulièrement bien. A nous trois nous arrivons tout juste à gagner notre vie, mais nous n'apparaissons jamais sur la liste des meilleures ventes du Sunday Times."

  "Dans mes romans, comme dans la vrai vie, ce sont les policiers qui enquêtent sur les meurtres ; le commun des mortels, comme son nom l'indique, se contente de se faire assassiner. On peut sans doute reprocher beaucoup de choses aux roman de l'inspecteur Fairfax, mais pas de perpétuer le mythe du détective amateur."

  "On a passé plusieurs années heureuses ensemble, même si c'est vrai qu'elle passait simultanément autant d'années heureuses avec quelqu'un d'autre. La vie est trop courte pour ressasser ce genre de choses."

Le pensionnat des jeunes filles sages




Le pensionnat des jeunes filles sage d'Anton Disclafini aux éditions Le Livre de Poche




   1930 en Caroline du Nord, alors que la crise de 1929 touche de plein fouet les Etats Unis, Théa, jeune fille de quinze ans est déposée par son père à Yonahlossee, un internat pour jeunes filles aisées dont le programme éducatif repose sur l'équitation, la passion de Théa.  Ce séjour est une punition, ses parents ont décidé d'éloigner la jeune fille de la famille car elle s'est mal comportée et a été à l 'origine d'un drame familial. Habituée à vivre en vase clos avec ses parents et son frère jumeau Sam, Théa va découvrir la vie en communauté. Pour elle qui n'était jamais allée à l'école, son éducation ayant été dispensée par son père, le choc est difficile. Elle va devoir se plier à des règles, des horaires contrairement à la maison où tout était beaucoup plus flou, les enfants disposant de tous leurs après-midi dehors.


   Théa rongée par le remord, par le sentiment d'être abandonnée par sa famille, va très vite comprendre qu'elle n'est pas là juste pour les vacances. Ses parents se sont débarrassés d'elle, de sa présence si encombrante après le drame vécu par la famille. Bien que solitaire dans l'âme elle va très vite s'intégrer et se faire des amies. Ses journées sont rythmées par les cours et les séances d'équitation. Le pensionnat n'est pas un lieu très strict. Les Holmes qui le gèrent sont un couple "progressiste". Henry Holmes est un bel homme, séduisant pour qui toutes ces jeunes filles ont le béguin, quant à son épouse, c'est elle qui est en charge de l'autorité. Théa va tenter de construire sa vie dans ce pensionnat , entre cours d'équitation, rivalité avec ses camarades, bals avec les garçons d'un établissement voisin. Le caractère fort de Théa et son béguin pour Mr Holmes ne vont pas lui rendre la tâche facile.



  Que dire de ce roman si ce n'est ma joie d'en avoir terminé. Que c'est long, que c'est poussif, que le style est lourd. Les seuls moments qui m'ont intéressé sont ceux où l'auteur traite du contexte social de l'époque. Cette crise de 1929 qui toucha tout le monde, y compris les plus riches. On a du mal à entrer dans l'histoire, à s'attacher aux personnages. Un roman de cinq cents pages qui aurait pu à mon avis être mieux traité s'il en avait compté moitié moins.









mercredi 11 février 2015

On aurait dit une femme couchée sur le dos




On aurait dit une femme couchée sur le dos de Corine Jamar aux éditions Le Castor Astral



    Samira a tout pour être heureuse. Pour fuir un vie difficile auprès d'un père autoritaire qui voulait qu'elle prenne sa suite dans le restaurant familial, elle s'est exilée. Ella a pris son envol avec un couple d'amis, Fred et Claudie et leurs enfants, direction le soleil de la Crète. Elle est tombé aussitôt amoureuse de l'île, de cette nature encore sauvage, de la mer et de la plage protégée par cette montagne dont la forme rappelle celle d'une femme couchée sur le dos. Elle y a trouvé l'amour dans les bras d'Eleftheris, un fier pêcheur crétois. Les deux couples vont s'installer là, non loin de la plage sur laquelle a été tourné le film Zorba le Grec. Ils vont y installer une cantine, un petit restaurant de plage. Les débuts sont difficiles,  les clients rares, Samira se voit dans l'obligation de demander à Claudie et Fred de partir, ils ne peuvent vivre tous de la cantine. Ce restaurant, elle en est la cuisinière, l'âme. Cette trahison la mine, l'empêche d'être complètement épanouie alors que les affaires s'améliorent. Un soir, elle est témoin d'un meurtre,qu'elle décide de taire pour ne pas blesser son mari. Le couple vaque à ses occupations mais Samira est rongée de l'intérieur, elle ne peut pas être heureuse. Elle est soutenue par Walter un allemand installé sur l'île, ancien chef opérateur sur le film Zorba le Grec. Vieux sage bienveillant, il va prendre pour elle la figure du père.



   Le coeur de ce roman bat, vibre au rythme de celui de la Crète. L'île en est le décor, l'âme, un personnage à part entière. Le roman se lit comme une tragédie grecque dans son déroulement. Le lecteur est le témoin de la faute ( la trahison, le meurtre caché) et de ses conséquences. Samira est persuadée que tout ce qui lui arrive de négatif est lié à ses actes, que c'est une sorte de punition des dieux omniprésents sur cette terre mythique.  On  assiste à son long chemin vers une éventuelle rédemption. Le décor de la Crète est primordial, ce soleil, la mer, la montagne, les éléments parfois rudes qui forgent le caractère, l'âme crétoise, sa fierté, son indépendance. Une Crète dont l'équilibre, comme celui de Samira est menacé, en passe de perdre son caractère sauvage sous les assauts des bétonnières des promoteurs.


 
   On aurait dit une femme couchée sur le dos est un  roman passionnant qui se lit d'une traite. Un roman qui traite des thèmes universels  de la faute, de la culpabilité, de la rédemption dans le cadre même des tragédies antiques. Un roman dépaysant par les somptueux paysages décrits, entre mer et montagne. Les personnages sont touchants, portés par l'âme de l'île.Un roman à la construction originale puisque le narrateur en est le fils de Samira et d'Eleftheris, ce fils qui refuse de montrer le bout de son nez tant que Samira n'est pas en paix. Une belle découverte.


   "C'est étrange cette différence qu'il y a entre l'homme et la nature. Même quand la nature fait du mal aux hommes, que la mer les engloutit dans une tempête, que les arbres frappés par la foudre les écrasent, que la montagne les précipite dans un ravin, même quand elle se met en colère, la nature reste belle, et pas l'homme. La laideur qui déforme les traits du visage haineux du meurtrier est peut-être la punition que lui infligent les dieux. Une marque d'infamie."





mardi 10 février 2015

Zoé




Zoé de Alain Cadéo aux éditions Mercure de France


   Henry est un vieux loup solitaire. Il vit dans un fort isolé à dix kilomètres du premier village. Il passe ses journées à écrire et à sculpter des rochers, il en fait ses gardiens. Tous les deux jours il se rend au village pour acheter son pain. Depuis quelques temps une nouvelle vendeuse égaie le magasin. Zoé, jeune fille avenante de dix-huit ans, aimable avec tout le monde, elle a toujours le sourire. Henry se prend d'affection pour elle.


   Très vite Zoé va s'intéresser à ce vieil homme, le seul, gentil,  qui ne lui adresse pas de propos sur son physique avantageux, sur sa mise élégante. Elle va commencer à lui écrire des messages. Ses billets elle les insère dans la miche de pain qu'Henry à l'habitude d'acheter. Henry, ravi lui répond et très vite l'habitude s'installe chacun y trouvant son compte.  Zoé lui raconte sa vie, lui pose des questions, petit à petit elle lui révèle ses failles. Henry lui fait de longues réponses qu'elle ne comprend pas toujours mais la bienveillance du vieil homme à son  égard la rassure. Pour Henry, Zoé illumine ses vieux jours, lui redonne goût à la vie, il redevient (un peu) plus sociable pour être avec elle  le plus longtemps possible quand il vient chercher son pain.


    "Depuis que Zoé et moi échangeons nos écrits, j'ai la bonne impression d'avoir brisé ma solitude. Elle est avec son écriture ronde, une petite boule de tendresse et d'originalité versée dans le café noir de ma mélancolie. Quand je vais à la boulangerie, c'est un réconfort de la voir exister au milieu des autres. Plus personne ne fait attention à moi. On ne me regarde plus de travers. je suis enfin un vrai client, un habitué. Notre minute est devenue quart d'heure. Elle joue, rien que pour moi, son numéro parfait de boulangère."


   " J'aime les lettres d'Henry. Je ne comprends pas toujours tout mais j'aime la musique de ses mots. J'entends sa voix quand je le lis. Et je peux lire et relire, je trouve toujours autre chose derrière chaque phrase. Moi c'est plus simple je lui raconte ma vie, un peu comme ce que je me raconte à moi dans mon cahier mauve."


   Ce roman raconte la rencontre de deux êtres, de deux solitudes. Zoé est telle qu'Henry aurait aimé demeurer. Elle a la gentillesse naïve elle ne se méfie pas des gens. C'est une  rencontre  autour des mots, une rencontre tissée par les mots qui ne peut exister que par ces mots Ce roman est aussi  un roman sur l'écriture. L'écriture qui nous permet de définir nos vies, d'en assembler les pièces pour en compléter le puzzle, d'y mettre de l'ordre. Henry se voit comme un dentelier, comme un tisserand qui se sert de la trame des mots pour tisser sa vie. Alain Cadéo nous livre un roman tendre, juste porté par un style plein de poésie. Une très belle découverte.

   "Quoi qu'il arrive, n'oubliez pas : rien ni personne n'a le  pouvoir de saccager l'innocence. Quoi qu'il arrive nous devons nous battre pour préserver notre aptitude à la Joie."


   "Nos vies sont toutes de sable, nos vies sont toutes des fables et c'est seulement dans la manière de les conter que se dévoilent leurs lumineuses trames."



lundi 9 février 2015

Le quatrième mur




Le quatrième mur de Sorj Chalandon aux éditions Le livre de poche


   Georges, le narrateur,  est un éternel étudiant. Militant de gauche anti fasciste , il est exalté et violent. Il n'hésite pas à faire le coup de poing, à attaquer en bandes ses adversaires politiques. Son chemin va croiser celui de Samuel Akounis, juif grec, opposant au régime des Colonels, qui a dû se résoudre à l'exil. Samuel est metteur en scène. Georges, lui aussi metteur en scène amateur, va mettre ses pas dans ceux de Samuel qu'il admire pour son passé de résistant.


    Quelques années plus tard Georges va visiter Samuel sur son lit d'agonie. Samuel lui raconte son projet fou de monter la pièce Antigone de Anouilh au Liban avec pour interprètes des représentants de chacune des parties en conflit. Samuel a lancé la machine  mais trop faible pour réaliser son grand projet, sachant sa mort proche il  va confier la réalisation de son rêve à Georges. Georges se rend donc au Liban pensant que tout le travail a déjà été effectué par son ami mais tout reste à faire. Les accords de principe sont là mais les antagonismes aussi. Au milieu des bombes, évitant les balles, Georges va essayer de rassembler tout son monde, de les mettre d'accord. Les débuts sont difficiles mais prometteurs.


   "Imane a souri. Puis elle a inspiré, tendue, poings le long du corps. Elle a baissé la tête, cherchant au fond d'elle un autre regard que le sien. Charbel a compris ce que faisait la jeune femme. Il l'a imitée. J'ai cessé de respirer. La fille a relevé la tête. Le garçon a ouvert d'autres yeux. L'instant fut magnifique. Deux acteurs se mesuraient. Ni chrétien, ni sunnite, ni Libanais, ni Palestinienne. Deux personnages de théâtre."


  Le projet de Samuel mené par Georges, ce projet fou, utopique, réussira-t-il à faire taire les armes pendant les deux heures de la représentation? Georges parviendra-t-il à faire travailler des ennemis autour d'un même projet? Le quatrième mur, ce mur symbolique qui isole ou protège les acteurs des spectateurs réussira-t-l à protéger cette représentation des bombes?


  Ce roman nous montre le décalage entre la vision de la guerre du Liban  du point de vue occidental, un conflit fantasmé vu de loin par l'intermédiaire de la presse, le désir d'y mettre fin par des mesures tout aussi utopiques et insuffisantes les unes que les autres, et la réalité du terrain. La guerre dans toute son horreur est décrite dans ce roman. Les bombes qui tombent des avions, les balles qui fusent, ce vacarme métallique permanent, ces cris de douleur, de deuil, ces massacres. Des scènes qu'on lit en apnée, le coeur retourné, au bord des lèvres. Sorj Chalandon  sait de quoi il parle, il a été grand reporter à Libération et a couvert les massacres de Sabra et Chatila décrits dans ce roman.  Comme Georges, il a été profondément bouleversé par ces images, ces sons qui l'ont marqués à tout jamais et qu'il nous livre ici avec un réalisme qui fait froid dans le dos. Un roman passionnant, plein de souffle. Un roman marquant qui nous poursuit une fois le livre refermé. Un roman dont on ne sort pas indemne, à lire absolument.

   "C'était incroyable, dégueulasse et immense. J'étais en guerre. Cette fois, vraiment. J'avais fermé les yeux. Je tremblais. Ni la peur, ni la surprise, ni la rage, ni la haine de rien. Juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l'acier en tout sens, le feu, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons des voitures folles, les hurlements de la rue, les explosions, encore, encore, encore. Mon âme était entrée en collision avec le béton déchiré. Ma peau, mes os, ma vie violemment soudés à la ville."


samedi 7 février 2015

Les murmures de la terre




Les murmures de la terre de Véronique Biefnot aux éditions Heloïse d'Ormesson



Naëlle est une jeune femme perturbée. Amnésique, ses nuits sont perturbées par les cauchemars. Elle ne peut vivre pleinement son amour avec Simon, un écrivain à succès qui l'a prise sous son aile et qui fait son possible pour lui faire reprendre goût à la vie. Après de multiples séjour en asile psychiatrique, Simon en accord avec les médecins, propose à Naëlle de partir seule en Bolivie, pour un trekking méditatif en espérant que ce séjour, par l'introspection et la magie des paysages, l'aide à recouvrer la mémoire.



   Naëlle quitte donc la Belgique, mais le voyage organisé, ne répond pas à ses attentes, la méditation de pacotille proposée la laisse froide, elle reste à l'écart du groupe, surveillée du coin de l'oeil par Manko, un guide indien loin d'être insensible à son charme et à sa personnalité. Les seuls moments où elle se sent bien, sont les moments de marche dans le désert salé, seule avec ses pensées. A la fin du séjour, alors qu'ils ont trois jours de quartier libre, Naëlle part à l 'aventure et est victime d'un accident . Elle est recueillie et soignée par des indiens. Va alors commencer pour elle une aventure qui va la plonger dans la forêt amazonienne, lui faire vivre des expériences chamaniques. Elle va partir à la recherche de son histoire, des ses blessures au travers de périodes de transe.


   "Il lui semblait que la chanson du vent, coursant les nuages, avait aboli le temps, absorbé le superflu, ne restait que l'essentiel : être là... tenter d'être là. Ce qu'elle voulait c'était rejoindre les autres dans la vrai vie, ne plus fuir le réel et arriver à faire comme eux."


  Pour les organisateurs du trekking, Naëlle a disparu. Ils préviennent Simon de la disparition de son amie. L'écrivain prend le premier vol et guidé par  Manko, lui aussi très motivé pour retrouver la jeune femme dont il est tombé amoureux, ils vont partir à la recherche de la jeune femme.


 Dans Les murmures de la terre nous assistons à la quête d'une femme. Naëlle part à la recherche d'elle même. A la recherche d'un passé oublié mais qui la hante. Elle part à la recherche de ses traumatismes d'enfance pour se réapproprier sa personnalité, son corps mis de côté, pour enfin vivre sa vie de femme. Elle va le faire en communion avec la nature, en se plongeant dans les pratiques d'un peuple millénaire qui lui, n'a pas oublié que l'homme est un chaînon de cette nature, qu'il est relié à elle, connecté à tous ses éléments. Une nature qui leur donne ce qu'il leur faut pour vivre, pour se soigner. Une nature en danger, menacée par la course au profit des sociétés dites civilisées.


 Les murmures de la terre est un roman passionnant, dépaysant. Un roman porté par un style précis et plein de poésie. Un style très sensuel qui m'a happé, me plongeant dans cette nature, tour à tour désertique et luxuriante, je la voyais, tant elle est décrite avec précision, je  la sentais, j'entendais les sons qui l'animaient, j'avais l'impression de  presque pouvoir  la toucher physiquement, d'en ressentir l'aridité ou l'humidité. Le lecteur vit les expériences chamaniques de Naëlle, comme s'il y était, à la fois de manière extérieure ( le son lancinant des tambours et des chants) et intérieure (les visions de Naëlle et les émotions qu'elles provoquent). Ce livre est le deuxième tome d'une trilogie  mais peut très bien se lire indépendamment, c'est d'ailleurs ce que j'ai fait puisque je l'ai commencé alors que je l'ignorais. Tome 1 Comme des larmes sous la pluie Tome 2 Les murmures de la terre Tome 3 Là où la lumière se pose. Deux autres tomes que je lirai rapidement tant j'ai pris de plaisir à cette lecture.


mercredi 4 février 2015

La longue promenade avec un cheval mort




La longue promenade avec un cheval mort de Francis Dannemark chez Robert Laffont


   David parcourt les routes entre la France et la Belgique à bord d'un camion frigorifique. Son chargement à de quoi surprendre. Un cheval mort, congelé. Hope, c'est le nom du cheval. "Hope, comme Bob Hope, comme Elmo Hope, le pianiste de jazz méconnu  Hope, comme l'espoir, mais quel espoir?" Il ramène le cheval à son propriétaire, son oncle, qui veut l'enterrer chez lui. Au détour d'un virage, la route est glissante, de la boue, le camion de David se retrouve embourbé dans un champ. Il n'est pas seul, Antoine lui aussi est bloqué. Les deux hommes vont sympathiser.


  Antoine et David trouvent à se loger dans une auberge, ils discutent apprennent à se connaître en attendant le lendemain qu'un tracteur viennent les sortir du bourbier. David est perdu, il est architecte mais ne veut dessiner que des jardins,  Son entreprise connaît des difficultés car il est très peu présent, il se cherche. Amoureux de Julia, ils se sont séparés avec fracas, David lui avait construit une maison, elle ne voulait pas y vivre, il l'a détruite. Antoine, lui est écrivain. Ancien romancier à succès, il a quitté le devant de la scène suite à une altercation sur un plateau TV. Depuis, il a trouvé Rosa et la paix. Il se considère comme son écrivain privé.


  Les deux hommes, leurs véhicules enfin sortis de l'ornière vont prendre la route ensemble, retrouver Rosa. Le couple inquiet pour leur ami, va décider de l'accompagner jusqu'au bout de la route. Ils vont tous partir accompagner Hope vers sa dernière demeure.

  Ce voyage de David sur les routes avec l'espoir congelé dans son camion frigorifique, est un voyage symbolique, un voyage intérieur. David se cherche. Sa vie personnelle et professionnelle sont en jachère. Il veut dessiner des jardins mais il n'y arrive plus. Il veut vivre avec Julia mais n'y arrive pas. Antoine c'est l'oeil extérieur, l'oeil de l'écrivain, accompagnée de la douce Rosa (la rose) ils vont tout faire pour remettre David sur la bonne voie, le sortir du bourbier dans lequel il se trouve, redonner vie à cet espoir congelé. Redonner à David le goût de cultiver son jardin.

  La longue promenade avec un cheval mort, est un magnifique roman porté par la plume poétique et tendre de Francis Dannemark. Un roman à la fois triste et lumineux, brillant. Un livre plein d'espoir, qui résonnera en chacun de nous. Nous avons tous nos doutes et nos espoirs, nos moments d'abattement, ne laissons pas l'espoir congelé, à l'arrière dans la chambre frigorifique.

   " Parfois la nuit qui tombe déchire le coeur, l'ombre fait peur, rien n'aura plus jamais d'importance et tout arrivera trop tard. Rose des sables, rose des vents. Et le vent, dans la cour de l'école, décolle le vieux sparadrap des plaies d'autrefois. Piano droit, route droite vers la maison où attend Antoine."


   "La pluie s'est arrêtée, les nuages ont changé, comme le vent, de direction. Connaître les stratégies de la pluie, du vent et des étoiles, c'est connaître la patience, cette fleur qui, si l'on en croit un proverbe ancien, ne pousse pas dans tous les jardins."




mardi 3 février 2015

A la mesure de nos silences



A la mesure de nos silences de Sophie Loubière, Fleuve Editions



   François Valent se sent vieux, en fin de vie. Il a subi une opération à coeur ouvert et n'a plus la force , plus l'envie de continuer à vivre. Ancien reporter de guerre, il est hanté par les images des conflits qu'il a couverts. Il s'occupe de son jardin, cherchant à se tuer à la tâche pendant que sa femme est en cure. Un jour il reçoit un appel de son ex-belle fille, qui n'arrive plus à rien avec Antoine, le petit fils de François.


   Antoine est un jeune homme connecté en permanence. Il a une addiction pour les réseaux sociaux,  les jeux en ligne. Ils ne se sent vivant que dans le virtuel. C'est là qu'il se réfugie. Il ne fait rien au lycée et il doit passer son bac en fin d'année. Il est en conflit permanent avec ses parents divorcés.


   François décide de prendre les choses en main avant de mourir. Il ne s'est pas occupé de ses enfants, il peut bien recadrer son petit fils avant de tirer sa révérence. Il l'attend un jour à la sortie du lycée et le "kidnappe" pour une escapade en voiture de quarante huit heures. Une escapade dans le temps, dans le passé de François. Un passé si présent, pour l'ancien reporter, des événements qui ont conditionné toute sa vie d'adulte.


   Les chapitres relatant l'épopée du grand-père et de son petit-fils alternent avec ceux présentant  un fait historique peu connu de la deuxième guerre mondial . C'est le récit de ces  événements qui ont eu lieu à Villefranche de Rouergue  et qui ont marqué l'enfance de François que nous vivons. C'est donc vers son passé que le grand-père emmène son petit fils, mais ce pèlerinage les rapprochera-t-il? Réussiront-ils à s'apprivoiser. Qui soignera les maux de l'autre? Là est toute la question.


"Témoigner du passé pour préserver l'avenir du petit-fils, recomposer sa propre existence en arrachant les peurs bleues de leur socle, balayer les jours sombres s'avérait plus difficile qu'il ne l'envisageait hier. Il craignait encore une marée de larmes et l'embarras qu'elles causeraient à Antoine. le journaliste revenu de tout, témoin des cruautés que l'homme imaginait pour les femmes et les enfants pleurait maintenant comme une madeleine. Il suffisait de gratouiller  son coeur pour que jaillisse une fontaine chagrine."


  Ce roman passionnant nous touche car il est universel, il décrit la complexité des relations familiales, le conflit des générations entre enfants, parents, grands-parents, le tout traité avec sensibilité et finesse. Il nous montre les ravages des traumatismes du passé restés tus . Ce roman est poignant, émouvant, violent, plein de tendresse. L'autre intérêt de ce roman est de témoigner d'un fait de guerre dont on  parle très peu dans les livres d'histoire et dont je ne dirai pas plus pour ne pas gâcher l'intérêt de l'histoire. Un roman porté par un style précis, fin, très poétique et des dialogues souvent percutants. Un roman que je recommande donc tout particulièrement.

"Le malheur, c'est comme une brassée de fleurs qui te tombe dessus. Tu peux choisir d'en faire une couronne mortuaire ou bien un bouquet qui fleurira la table  d'un banquet pour le mariage de tes petits-enfants."

dimanche 1 février 2015

Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un)




Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un)

Francis Dannemark aux édtions Pocket




    Paul a cinquante-quatre ans, sa mère vient de décéder. A l'enterrement, une femme l'aborde, c'est Alice sa tante, la soeur de sa mère. Paul ne sait rien de cette tante dont on ne parlait jamais. Il sait juste qu'elle existe. Le neveu et la tante vont se rapprocher. Paul étant libre des ses mouvements, sa femme ayant du se rendre aux Etats Unis pour s'occuper de sa fille, il va retrouver Alice tous les jours. Chaque jour Paul aura un nouvel épisode du feuilleton de la vie de sa tante. Il va vivre ces moments  comme le prince des Mille et Nuits auquel Shéhérazade racontait des histoire. Il va se laisser porter par l'histoire peu banale de sa tante, personnage attachant avec qui il fait enfin connaissance.


   Alice a parcouru le monde avec ses maris successifs. La belle n'a pas de chance, elle semble porter malheur aux hommes qui la demandent en mariage. Elle vit des histoires très courtes avec chacun d'eux, courtes mais intenses, qui la transforment, qui la font avancer dans la vie, exercer différents métiers s'adapter à différentes langues. Chaque fois bien sûr le deuil est présent, intense, mais chaque fois Alice se laisse séduire presque malgré elle par les promesses de bonheur d'un nouvel amour. Dans son parcours initiatique et amoureux, Alice est soutenue par l'une des ses belles-mères de qui elle restera proche toute sa vie, Maggie, personnage haut en couleur et plein de sagesse.


   "Maggie m'avait dit une fois que la seule façon avoir une chance d'être heureux, c'est d'accepter que rien n'est jamais certain, que rien n'est définitif, ni les bonnes choses... ni les mauvaises. Elle avait réussi à me faire sourire en me disant que les certitudes sont des parapluies qui ne s'ouvrent que les jours où il fait beau et qu'alors ils nous gâchent la lumière du soleil.



    Histoire d'Alice, qui ne pensait jamais à rien (et de tous ses maris plus un) est un roman léger, poétique, une vague de tendresse dans un monde qui en a bien besoin. J"ai été touché par le personnage d'Alice, par son aptitude au bonheur malgré les coups durs de la vie. Le personnage de Maggie m'a lui  séduit par sa philosophie pleine de sagesse et son humour omniprésent! Francis Dannemark signe là un roman qui se déguste comme un bonbon, mais pas de ses bonbons trop sucrés écoeurants, non, un bonbon acidulé. Un livre qui fait du bien.


    "Mais Wilbur était mort en me laissant quelque chose de plus précieux que de l'argent : j'avait compris que l'on ne vit qu'un jour à la fois, et plutôt aujourd'hui que demain."